La Cité de pierre (Louis le Galoup 4)

On raconte qu'au fil de la Vézère, dans quelque méandre abrité du regard, s'élèvent de hautes falaises de pierre blanche que la lune, en son plein, se plaît à caresser. Là, agrippée aux rocs pâles, dominant la rivière au cours tranquille, se dresserait la plus étonnante et imprenable des forteresses. On dit aussi que dans ce nid d'aigle creusé à même la roche, dans cette cité verticale, les partisans du jeune Roy auraient répondu à l'appel du Galoup Blanc pour secouer le joug du tyran et de ses deux barons maléfiques.
C'est ce havre légendaire que Louis et ses compagnons, traqués et poursuivis, tentent d'atteindre envers et contre tout... Mais pour leur salut ou leur perdition ?
Car dans son donjon de Tolosa, telle une araignée patiente et retorse, le noir Vicomte tisse sa toile malfaisante...
"Il y a de l'agitation, ce soir, dans la grande salle. On se presse, on se bouscule, on joue des coudes et parfois de la gueule, quand les coudes n'y suffisent plus.
Sur la large table de bois trônent encore les reliefs d'un de ces repas où on a cuisiné pour vingt quand il n'y en avait que dix.
Autour de ces vestiges de victuailles encore odorants, les plus doués du ventre s'attardent. Ceux-là, on pourrait bien les croire ours en passe d'hiberner, pour s'en emplir ainsi la panse tant et plus, à s'en faire péter les bragues. Il faut dire que ce soir, on fête plus d'un bonheur. La Marion, ce beau brin de fille, tout en taches de rousseur et sourire à vous ravir les anges, qu'on a mariée à l'aîné des Bories, vient d'annoncer qu'elle portait drôle.
Sûr, pour le coup, qu'on a arrosé l'événement, et avec du bon vin encore, celui du Sud, du soleil, pas la piquette à décaper les cuivres qu'on engloutit d'habitude.
Pas chien, on en a même servi aux estrangers, en rasades généreuses.
C'est peut-être bien pour ça qu'on cause un peu haut, ce soir, là où un filet de voix suffit d'habitude à se faire entendre…"